MOTIFS D'EVASION FILMS

Quand Nourdine m’a proposé d’adapter une de ses nouvelles, celle-ci fut une évidence. Ma mère est pied noir et le déracinement s’ancre dans mon histoire familiale faite de culpabilité, de violence, de révolte. Ici, l’immigration est racontée autour d’un amour filial. J’ai voulu travailler dans cet élan avec Nourdine.

Immergée dans cette relation protectrice mère/fils, j’ai imaginé la confrontation visuelle de deux mondes : celui d’une bulle familiale précautionneuse et celui d’une société, brutale parfois. J’ai tenté de rendre cette confrontation visible par l’agressivité ordinaire de la ville, son architecture, ses bruits, la vitesse de la foule, par la fuite de « celui qui dérange, qui est hors jeu », par la violence d’un geste fait sans trop y penser. 

Le souvenir d’enfance du fils qui revient par vagues, par flashs dans son quotidien, je voulais qu’il reflète ce qui, pour moi, lie un enfant à sa mère organiquement pour toujours : le sensoriel vécu dans les heures passées ensemble, à cohabiter, à s’écouter, à se toucher. Ces heures de vie ordinaire, où chacun est plongé dans l’intimité, dans la solitude de l’autre. Ces heures passées sans les remettre en question. 

La voix off, elle, nous permet des allers-retours entre réflexions du fils et mouvements de la vie. Le cinéma peut donner à voir cet échange, mettre des mots sur ces regards, rendre l’invisible visible. Ceci a mené mon travail avec les acteurs dans l’exploration de ce qui amène la parole : la pensée, le ressenti. Leur jeu n’est que ça, tout ce qu’on ne se dit pas et qui est souvent le plus profond, le plus authentique.  

Juliette

Mon attention s’est d’abord portée sur une défense du rythme propre à ce texte, à sa musicalité. C’est à l’endroit de dramaturge que je suis resté attentif à l’intégrité du propos de mon histoire, à cette juste teneur d’âme de mes personnages. 

Juliette avait, avec les acteurs, actrices, un lien tout autre. Nous avions choisi (c’était là une précaution) qu’elle serait celle qui dicte à l’équipe ces consignes, convenues ensemble.

Je suis resté sur le tournage, l’auteur attentif d’un texte qui, sous mes yeux, passait d’un état à un autre. J’ai cultivé à cet effet une distance, soucieux de me maintenir les deux pieds dans ce qui fut, à l’écriture de l’histoire, mes intentions premières.

Nourdine